Leeloo Dannhauer Projet de diplôme - DSAA 2 Événement et Médiation
à l’École Boulle - Paris
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Article diagnostic :
Parler d’engagement auprès des plus jeunes




  Le fait de s’engager implique de se mettre au service de quelque chose, et de prendre nettement position afin de défendre une cause. Les personnes engagées le font pour se sentir utiles, ou pour aider les autres, parfois pour porter un message qui leur tient à cœur, ou encore pour rendre hommage à un événement marquant qu’elles peuvent avoir vécu…
En France, plus de 19 millions de personnes « donnent du temps gratuitement pour les autres ou pour contribuer à une cause » 1. On estime à 1 500 000 le nombre d’associations en France en 2023. Selon Claire Thoury, présidente du Mouvement Associatif 2, le militantisme tel que l’on le connaît aujourd’hui émerge après la Seconde Guerre mondiale.
Il incarne dans ses débuts l’appartenance totale à un parti politique : c’est un engagement fort et collectif, qui a des effets sur tous les aspects de la vie personnelle. Plus tard, dans les années 70, une nouvelle ère de l’engagement se développe en lien avec l’émancipation des individus de leur communauté, de leur famille et de leur religion. Les citoyens s’engagent de façon pragmatique au profit d’une cause, en espérant voir des résultats concrets. Ces notions d’engagement
et de dévotion ont continué d’évoluer : aujourd’hui l’engagement penche vers le militantisme des grands-combats,
tels que le climat ou l’égalité homme-femme. Ce sont des sujets qui mobilisent plus fortement les jeunes et les très jeunes.




#FRIDAYSFORFUTURE : en 2018, Greta Thunberg créé un mouvement mondial : “Skölstrejk för klimatet”
(grève de l’école pour le climat). Elles se sont répandues à travers plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne,
la France ou encore le Japon.



Greta Thunberg, seulement âgée de 15 ans, était à l’origine d’un des plus grands mouvements écologiques de la dernière décennie. Jusqu’à aujourd’hui, les grèves scolaires qu’elle a pu initier se multiplient et s’étendent à travers de nombreux pays. Ces nouveaux acteurs du militantisme ont l’ambition de changer le monde. Ils ne veulent pas rester impuissants,
ils veulent porter leur voix et agir tant qu’il est encore temps. Les prises de conscience commencent plus tôt, et les jeunes se sentent plus vite concernés. Mais cet engagement grandissant du jeune public pose des questions nouvelles,
qui nécessitent un travail de recherche, et qui représentent un terrain sur lequel le design d’exposition, d’événement,
et de médiation, peuvent avoir un rôle essentiel à jouer.


Les enfants, “presque” acteurs associatifs


Et justement, l’âge n’est pas un problème pour faire partie d’une association. Tout mineur, quel que soit son âge, peut adhérer à une association, et ce, sans accord parental préalable. Cela varie toutefois selon les modalités de chaque association, car nombreuses sont celles qui limitent l’accès aux enfants via un formulaire à remplir par les tuteurs légaux. Cependant, le fait que les mineurs puissent participer à la vie associative au même titre que les adultes n’est possible
que depuis le 27 janvier 2017 3. Selon une étude réalisée en 2022 par l’INJEP, les adolescents de 13 ou 14 ans se déclarent très majoritairement désireux de participer à la vie associative : 82 % d’entre eux envisagent, dans les années à venir,
de s’engager comme bénévole, dont une moitié « certainement », et l’autre « probablement » 4 .

Toutefois, l’enfant n’a pas la même disponibilité que l’adulte.



Répartition du temps d’un enfant, dont le rythme en semaine est régi par l’école.


Que ce soit par rapport au temps qu’il a à accorder, mais également à son regard sur ses propres convictions. On ne peut pas penser sa volonté associative au même titre que celle d’un adulte. La charge que représente l’engagement pour une personne adulte ne s’adapte pas à un mode de vie d’enfant. Autrement dit, le quotidien des enfants n’est pas adapté
à certains apprentissages complémentaires au cursus scolaire. Cependant, certains programmes existent aujourd’hui
pour aller dans le sens de la disponibilité des enfants. Il existe depuis 1998 le réseau des Juniors Associations. Ce réseau offre aux jeunes mineurs l'opportunité de vivre l'expérience de la réalisation d'un projet en équipe au sein d'une association informelle (non déclarée), tout en bénéficiant de l'encadrement d’adultes : ces derniers jouent un rôle de conseiller
et d’accompagnateur, mais les décisions et la gestion quotidienne de l’association sont prises par les membres mineurs.


Les groupes sont toujours formés avec un ou plusieurs adultes référents, qui permettent aux enfants d’aller plus loin dans leurs actions.


Ces Juniors Associations exposent dans leur manifeste la complémentarité de leur action avec les modes de vie des enfants : « S’il est évident que le parcours scolaire doit rester la priorité au sein des établissements, il est urgent de cesser de concevoir les engagements parallèles des jeunes comme des obstacles à leur réussite, et de les envisager plutôt comme des atouts supplémentaires à leur développement. » 5 . Ce programme va dans le sens d’une plus grande autonomie, et d’une plus grande confiance envers les enfants : « Les jeunesses ne sont pas seulement l’avenir, elles sont là, déjà vivantes et actives, déterminées à exercer le droit inné de leur citoyenneté, et à s’impliquer pleinement dans l’application de leurs valeurs. » 6 .

En Europe, les pays scandinaves et les Pays-bas sont ceux où les jeunes s’engagent et participent le plus à des activités associatives. Cela va de pair avec la confiance accordée à la jeunesse et les moyens qui lui sont donnés dans son accès
à l’autonomie. Les jeunes ne sont pas considérés comme un problème, mais comme une ressource pour la société.
Par exemple, dans le cursus scolaire du secondaire, les élèves réalisent une expérience de bénévolat durant 3 mois.
Dans certaines municipalités sont aussi mis en place des systèmes d’ambassadeurs jeunesse, qui deviennent des référents en matière d’empowerment 7 . Ces systèmes sont prévus par les enfants, pour les enfants. Mais il faut reconnaître que le développement de l’engagement associatif chez les jeunes constitue aujourd’hui un objectif prioritaire des politiques publiques françaises : le parcours citoyen est encouragé par le ministère de l’éducation nationale,
qui cherche à valoriser les enseignements civiques sur les temps scolaires.


Des programmes jeunesses créés par les associations


C’est dans cette trajectoire d’inclusion des enfants au sein de la société que les décideurs avancent. De nos jours, de nombreuses associations prévoient que des enfants puissent avoir envie de s’engager bénévolement. L’UNICEF par exemple, chargée de défendre les droits des enfants partout dans le monde, permet de s’engager dès l’âge de 6 ans.
Elle a mis en place en France différents programmes : le « club UNICEF » qui s’adresse aux jeunes de 6 à 26 ans dans
le but de développer un projet solidaire avec sa classe ou ses amis ; et le programme « Jeune Ambassadeur » ouvert
de 10 à 26 ans pour mener des actions de sensibilisation et de collecte. D’autres associations ne précisent pas d’âge sur leur formulaire d’inscription, comme la SPA, le Secours Catholique, ou encore les Petits Frères des Pauvres. Leurs champs d’actions sont variés, ce qui permet aux enfants de s’engager pour des causes diverses, et surtout d’avoir le choix. Cependant, ces associations ne proposent pas de programmes spécifiques adaptés au jeune public. Les enfants ne sont pas directement invités à faire partie de la vie de l’association, et rien n’est prévu spécifiquement pour les accueillir.
Ils n’ont pas de place attribuée dans les différentes missions, et pour la plupart, ne se sentent pas inclus dans
ces projets-là qui ne s’adressent pas à eux.

À l’inverse, le Secours Populaire Français invite depuis 1992 les enfants à développer eux-mêmes leurs propres projets
et à connaître les enjeux de l’association. Cette branche s’appelle « Copains du Monde », et s’adresse aux enfants âgés
de 8 à 12 ans. Leurs missions sont proches de celles des autres bénévoles : ils organisent des collectes d’argent, recueillent du matériel, des denrées alimentaires, et conduisent des projets solidaires accompagnés par des adultes.
Ils transmettent également leurs actions au sein de leurs écoles, ou de leurs centres de loisirs. L’accès à l’engagement associatif pour les enfants consiste finalement en la possibilité de réaliser des choses concrètes. Cela leur donne les clés pour agir, et se responsabiliser selon leurs envies.

Enfin, la Croix Rouge Française propose elle aussi aux mineurs de faire partie de sa lutte : ces derniers peuvent s’engager
à partir de l’âge de 7 ans, même au sein des équipes adultes. L’accès y est toutefois très réglementé, et les enfants ne peuvent participer qu’à des moments de la vie associative très précis 8. Parmi leurs missions principales, les plus jeunes sont en capacité de s’adresser à des élèves en milieu scolaire et ainsi, de transmettre les valeurs de l’association.
Mais la question de la place qu’occupent les enfants dans ces campagnes de sensibilisation se pose. Le fait de devenir ambassadeurs auprès d’autres enfants interroge sur l’embrigadement associatif auquel ils risqueraient de faire face.
Si le Secours Populaire comme la Croix Rouge ont fait le choix de leur donner cette posture de médiateurs envers les écoles, c’est sûrement parce qu’ils les considèrent mieux placés pour s’adresser aux enfants. Mais on ne peut pas minimiser la facilité de manipuler les plus jeunes, et la limite que cela impose au fait d’engager le jeune public.



Ce sont les enfants qui animent les interventions en milieu scolaire, ce qui peut paraître inadapté, compte tenu du fait
qu’ils ne participent pas toujours aux autres actions de l’association.


Enfin, et de façon évidente, les associations qui défendent des causes non-adaptées au jeune public imposent aux bénévoles d’être majeurs pour pouvoir s’inscrire. C’est le cas de Solidarité Sida, dont les missions de bénévolat reposent principalement en la prévention sexuelle, l’appui des assistants sociaux hospitaliers (notamment pour les demandes de titres de séjour des personnes étrangères atteintes du VIH), ou encore la récolte de dons en milieux festifs 9 . Ce ne sont pas des actions que les enfants peuvent mener, car les thèmes ne sont pas appropriés et ne les concernent pas (directement). D’ailleurs, l’association intervient dans les milieux scolaires uniquement à partir du lycée.


Entre sensibilisation et engagement


Presque toutes les associations qui s’engagent à défendre quelque chose interviennent dans des missions de sensibilisation. Elles s’adressent aux adultes mais également au public enfant, vers qui l’on se tourne souvent pour parler d’écologie, de solidarité, et pour leur permettre de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent. Cependant, cela ne dépasse pas souvent le niveau de la sensibilisation, là où ils pourraient s’engager également. "Sensibiliser" et "engager" sont deux termes qui sont souvent utilisés dans des contextes similaires, mais ayant des significations différentes :
la sensibilisation vise principalement à informer et à éduquer, tandis que l'engagement consiste à inciter les individus
à s'impliquer activement et à agir en conséquence.




Comment dépasser le stade du constat pour passer à l’action ? On peut percevoir l’engagement
comme une forme désensibilisation plus poussée, ou du moins, sa suite logique.

Le choix qui est souvent fait auprès des enfants est la sensibilisation. L’objectif ne consiste qu’en la découverte d’un sujet  et en son approfondissement plutôt qu’en un passage à l’action. Les enfants n’ont alors pas forcément conscience qu’ils ont la possibilité de s’engager eux aussi. Pourtant il y aurait un intérêt à dépasser cette approche du constat chez le jeune public : pouvoir être acteurs à leur tour leur permettrait notamment d’aborder différents sujets avec une ambition plus positive. Les enfants pourraient prendre conscience qu’ils peuvent changer les choses à leur échelle, et pourraient donc percevoir ces enjeux avec moins d’impuissance. Il y a aussi un intérêt à les inclure davantage à la société dans laquelle
ils vivent. En effet, le fait de s’engager est souvent considéré comme un poids moral, en incohérence avec le quotidien
des plus jeunes : Claire Thoury exposait ce fait en 2022, dans une interview pour la Fondation de France : « Il me semble important de désacraliser le bénévolat : pour certains, « engagement » est un mot très fort, qui implique un investissement trop lourd. Or il est possible d’être bénévole de façon ponctuelle, ou de manière très intense sur un temps court.
Être bénévole, c’est donner de son temps de manière volontaire et gratuite. Tout le monde peut y trouver son compte, seul, en famille, entre amis… » 10 .

En ce qui concerne les associations, elles ont un rôle de médiation important auprès des enfants. Certaines d’entre elles priorisent la valorisation de l’action, telles que « Ma Petite Planète » : des « défis écolos » sont imaginés pour engager une prise de conscience plus forte chez les enfants, et leur donner les clés pour agir en faveur de la cause environnementale.




Illustrations extraites du site internet Ma Petite Planète évoquant les types de défis écolos proposés aux milieux scolaires,
périscolaires et aux familles.

Ces derniers comprennent mieux l’impact de leurs actions sur le climat, tout en se donnant des objectifs ludiques. Cependant, ce dispositif est mis en place selon la disponibilité et la volonté de l’enseignant. C’est un exemple qui reste donc assez isolé. La plupart des associations qui se rendent dans les classes ne dépassent pas le stade de la sensibilisation. Elles restent prudentes, et ne prennent pas le risque d’embrigader les enfants. Pourtant elles savent
que le public enfant nécessite une approche adaptée, compte tenu de leur rapport aux choses qui les entourent.


Des enjeux de médiation peu pris en considération


La relation entre les enfants et leurs convictions personnelles se développe principalement à l’école. Mais les moments dédiés à l’éducation civique sont encore trop peu pris en considération. Aujourd’hui, la majorité des associations n’intervient que pour de courtes interventions. Nombreuses sont celles qui priorisent des rencontres physiques
avec des classes entières.



Le souvenir de nombreuses interventions en classe, peu vivantes et souvent plutôt déprimantes.

Les actions de sensibilisation qu’elles y mènent sont de fait peu originales : cela prend la forme de débats, de quiz, de vidéos, parfois d’activités manuelles… Par exemple, « les interventions de la Croix-Rouge concernant les gestes barrières durent une heure. Les bénévoles mettent en place des activités manuelles ludiques, pour parler de sujets moins amusants. Ces actions de sensibilisation sont fréquentes et insistent sur une ambiance sympathique qui dédramatise. » 11 . Rares sont celles qui s’approprient les spécificités du jeune public pour créer des micro-événements au sein d’une classe.

Certes, il y a un intérêt - comme dit précédemment - à dédramatiser certains sujets compliqués ; mais les enfants ont aussi besoin de dépasser le côté ludique, en ayant une médiation adaptée, à la frontière entre le constat et le passage à l’action. En effet, les associations ne vont pas assez loin dans leurs actions, qui ne débouchent pas sur l’engagement des enfants. La qualité et la portée des interventions dépendent certes de la mission, des ressources de l'association, ainsi que des besoins et des priorités de l'école. Mais les actions des associations envers les enfants manquent d'impact
et d'engagement, étant souvent limitées à un volet informatif.

Il faut toutefois reconnaître que le temps de l’école ne permet pas de mettre en place de véritables moments dédiés à la sensibilisation. Il est donc important de s’intéresser à ce qui existe en dehors des temps scolaires. D’autant plus que, selon un rapport du HCFEA appelé « les temps et les lieux tiers des enfants et des adolescents hors maison et hors scolarité » datant de 2018, « à part ceux qui vivent dans des familles engagées, la plupart des enfants ne trouvent pas des personnes ou des situations qui leur offrent la possibilité d’actualiser cette motivation au service d’une cause, de l’intérêt général ou d’un projet. » 12 . Comment les associations agissent-elles pour transmettre leurs idées au plus grand nombre ?


Les forums associatifs, espaces étanches à la scénographie


Sur les moments extérieurs à la vie scolaire, certains événements ont lieu, comme les forums d’associations. Ce sont
des rassemblements de tous les acteurs associatifs locaux dans un lieu public à une date connue. Le but étant de faire connaître au public leur existence, mais surtout de leur présenter la nature de leurs activités. Du côté du public,
la participation à un forum associatif offre l'opportunité de découvrir les nombreuses associations actives dans sa localité, toutes réunies en un seul et même lieu. En effet, un forum peut rassembler jusqu'à une centaine d'associations différentes, chacune proposant des activités variées, qu'il s'agisse de sport (associations sportives locales…), de loisirs (théâtre, arts plastiques…), ou de solidarité (cantines solidaires…). Bien que de nombreuses activités et démonstrations aient lieu,
les forums ne s’adressent en général qu’aux adultes, et ont surtout vocation à les inciter à payer une cotisation pour inscrire leur enfant à une nouvelle activité. Surtout, ils ne sont pas pensés pour séduire le public. Ces enfilades de tentes blanches ne sont pas forcément attractives, et ne rendent pas service au sujet de l’engagement citoyen qui reste donc dans l’imaginaire collectif un sujet sérieux et lourd. Cependant le fait de regrouper des dizaines d’associations en un même lieu est un modèle qui fonctionne, car il permet au public d’éviter de parcourir toute une ville à la recherche des différentes associations existantes.


L’ennui  formel que peut renvoyer ce type d’aménagements urbains. 

On retrouve le même type d’installation pendant le festival Solidays. Un Village Solidarité est installé principalement pour présenter les missions des bénévoles, mais également pour proposer au public de prendre part à la vie associative 13 . Cependant cet événement n’a lieu qu’au sein du festival, et s’adresse donc uniquement au public présent, majoritairement majeur. Le reste du festival étant pensé selon une certaine direction artistique et avec une scénographie colorée et vivante, on pourrait s’attendre à ce que le village des associations soit pensé de la même façon. Il s’agit pourtant du même aménagement que pour les forums, qui dénote visuellement avec l’environnement festif. Solidays semble chercher
à encourager et célébrer les actions associatives, c’est pourquoi cette scénographie paraît incohérente.

Il semblerait pourtant que le design et la scénographie puissent jouer un rôle important en termes de médiation
et d’attractivité, et ce surtout auprès du public enfant.


Le design au service de l’engagement des enfants


Olafur Eliasson, artiste contemporain danois, fait partie des professionnels qui se sont saisis de ces questionnements.
En 2012, il crée avec l’ingénieur Frederik Ottesen une fondation appelée « Little Sun » dans le but d'apporter une source d'énergie solaire abordable aux communautés qui n'ont pas accès à l’électricité. Cela prend la forme d’une petite lampe solaire portable qui ressemble à un soleil miniature. Ce projet a l’ambition de changer les modes de vie des personnes
qui en ont besoin, mais également de porter un message à travers le monde pour encourager l’utilisation des énergies renouvelables. En ce sens, la fondation invite des personnes extérieures à participer au projet : qu’il s’agisse de partenaires, d’organisations d’événements, ou encore d’ambassadeurs. Les enfants peuvent aussi se familiariser
avec le sujet,  en participant à des ateliers en ligne qui leur expliquent le fonctionnement d’une lampe « Little Sun ».


Vidéo du workshop en ligne “How does solar technology work” (ou comment fonctionne la technologie solaire”)

Des fiches d’activités sont également téléchargeables, et abordent des thématiques scientifiques, technologiques
et solidaires.

L’idée de s’adresser aux enfants pour parler de l’aspect technique du produit est intéressante : on les considère capables de comprendre quelque chose de « complexe ». De fait, ils se sentent inclus dans le projet, et deviennent de vrais « solar masters » : selon le site internet, ils possèdent déjà les clés pour créer des solutions pour leur futur. Cela fait partie des missions principales de la fondation, qui considère que l’éducation des enfants aux énergies renouvelables est primordiale pour lutter contre le réchauffement climatique, car ce sont les acteurs de demain. D’une certaine façon, ils sont donc invités à s’engager en faveur du projet, en prenant conscience des enjeux de l’énergie solaire, et ils sont incités à en parler autour d’eux.

Cependant, ces fiches et ces ateliers sont pensés pour être consultés à distance et restent de fait assez simplistes 14 (vous pouvez les consulter ici). Premièrement, on ne connaît pas l’impact que cela a sur les enfants, car on ne peut pas savoir s'ils ont réellement mis à profit leur découverte dans leur quotidien. Mais ces dispositifs ne sont pas non plus particulièrement ludiques ou attractifs, et surtout, ils ne sont pas mis en avant sur le site de la fondation. On attendrait
d’un artiste à la démarche de designer d’utiliser à minima des moyens de communication graphique pour créer des outils de médiation pédagogiques. Si la création se met au service de l’accessibilité à l’énergie, elle peut se mettre également
au service de la prise de conscience écologique.


Conclusion : le design pour les militants de demain ?



Le jeune public est de plus en plus encouragé à participer à la vie associative. Cela reste en cohérence avec les enjeux actuels, où les enfants se sentent concernés de plus en plus tôt. Tout le monde se mobilise et donne son avis, même les plus jeunes. L’éducation nationale valorise l’enseignement civique et les actions citoyennes des élèves. Les associations jouent également un rôle important pour la prise de position des enfants. Des programmes jeunesses sont créés à destination des mineurs, pour leur proposer une place à part entière dans la vie de l’association. Ces derniers, en plus de participer aux temps forts et aux missions organisées, ont la possibilité de jouer un rôle important au sein du combat qu’ils mènent. Pour autant, la communication autour de ces projets est peu présente, et il est difficile de s’informer sur ce qui existe pour les enfants. La sensibilisation est souvent priorisée à l’engagement : les actions menées aujourd’hui restent informatives et ne visent pas un quelconque passage à l’action. On ne considère pas suffisamment les enjeux de médiation soulevés lorsque l’on s’adresse aux enfants. Pourtant, les plus jeunes ont parfois besoin de plus de sens. On constate également que l’engagement associatif est toujours perçu comme un sujet peu attractif, ce qui ne motive pas forcément
le jeune public. S’engager peut être perçu comme un dévouement lourd et pesant, ce qui va à l’encontre des besoins de l’enfant. Enfin, l’existence-même de ces possibilités est questionnable. L’âge de l’enfance doit conserver une forme d’innocence et de légèreté, incompatible avec une forme d’embrigadement associatif de la part des adultes.
Les inviter à s’engager pourrait à terme les priver de leur enfance, en les conformant à devenir un certain type de citoyen.





Notes de bas de page

1  Sur ces 19 millions, 11 millions sont engagés dans une association, 2 millions seulement dans une autre organisation (syndicale, politique ou religieuse), et 6 millions dans un bénévolat direct de proximité hors famille ou structure associative. - « Association et bénévoles – Chiffres clés du bénévolat », article publié en ligne le 12 septembre 2022 sur le site
« Associathèque ».

2  Le Mouvement Associatif est une organisation qui permet aux associations de se rassembler pour favoriser le développement d’une politique de vie associative à la hauteur des enjeux sociétaux. - « Nos missions – le mouvement associatif », onglet en ligne sur le site « Le Mouvement Associatif ».

Le premier volet de la loi est consacré à la jeunesse et au soutien de l’engagement dans la vie citoyenne. Il comprend notamment le droit pour les mineurs, sous conditions, de participer à la création d’une association et à son administration. Avant 16 ans, il est possible de créer une association avec un accord parental préalable, ce qui n’est plus le cas après 16 ans. Chacun de ses représentants légaux doit toutefois en être informé par un autre membre de l’instance de direction.
« Égalité et citoyenneté : qu’a changé la loi du 27 janvier 2017 ? ». article publié en ligne le 17 mai 2019 sur le site
« Vie Publique ».


4 Caille, Jean-Paul, et, Didier, Mathilde, « Quatre collégiens sur cinq envisagent de devenir bénévoles dans une association », article publié en ligne le 21 juin 2022 sur le site « INJEP ».


5 Réseau National des Juniors Associations, Jamais trop tôt pour agir. 2021, p.17. - Ce recueil fait un état des lieux non exhaustif sur le droit d'association des mineur·e·s et formule des propositions pour lever les freins à leur engagement.


6 Ibid., p. 9.


7 Les Pays-Bas ont mis en place des plateformes destinées à accompagner et à conseiller les jeunes dans la réalisation de leurs projets par eux-mêmes. - Engelbach, Bastien, « Développement de l’engagement et de la participation des jeunes en Europe ». article publié en ligne en septembre 2014 sur le site « Associations.gouv ».


8 Les mineurs de moins de 16 ans ne participent pas aux activités en contact direct avec les populations dont le discours peut être choquant, ni aux activités nocturnes, ni à un travail excessivement physique (manutention). Ils ne peuvent pas non plus se retrouver seuls avec un bénéficiaire de la Croix Rouge. - « Accueil des mineurs dans les unités de la Croix Rouge Française ». article publié en avril 2009 sur le site « France Bénévolat ».


9 Chacune des missions nécessite une formation préalable, parfois plusieurs fois par semaine pendant plusieurs mois.
Un engagement selon un rythme donné est également obligatoire. - « Des jeunes contre le Sida ». onglet en ligne du site
« Solidarité Sida ».


10 « Nous sommes en train de basculer dans une troisième ère de l’engagement », article publié en ligne le 24 janvier 2022 sur le site « Fondation de France ».


11 Acar, Anne-Lucie, « La Croix-Rouge propose des sensibilisations aux gestes barrières dans les écoles ». article publié en ligne le 2 mars 2021 sur le site de la « Croix Rouge Française ».


12 Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge, « Les temps et les lieux tiers des enfants et des adolescents hors maison et hors scolarité », 2018, p.62


13 Plus de 85 associations sont exposées, pour dialoguer avec les militants et découvrir leur expérience. Elles concernent différents secteurs tels que la solidarité, les discriminations, l’environnement ou encore la santé. On peut y faire certaines activités et quelques jeux pour gagner des souvenirs et des goodies. - « Associations - solidays » onglet en ligne sur le site « Solidays ».


14 Les différents projets sont des feuilles de consignes à imprimer, qui ne sont pas illustrées, et qui n’ont pas l’air attractives. Elles ne donnent pas forcément envie de faire ces ateliers. - « Education », onglet en ligne sur le site
« Little Sun ».


Bibliographie ︎︎︎





Leeloo Dannhauer

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Étudiante à l’École Boulle - DSAA 2 Événementiel et Médiation

Après avoir obtenu un baccalauréat STD2A en 2019 à Paris, j’ai poursuivi mes études à l’ENSAAMA - Olivier de Serres en DNMADE Espace. Mon parcours actuel à l’École Boulle nourrit mes connaissances en scénographie et en médiation culturelle, et me permet de penser le design en fonction d’une cible précise.